Il y a 199 ans, en juillet 1825, le paiement d’une indemnité coloniale dite « dette de l’indépendance » a été imposé par l’ancienne métropole à Haïti. Il s’agit d’un fait politique et économique aux lourds impacts pour le devenir de la nation1 . Le principe de cette créance française est assurément lié à l’indépendance proclamée par la population d’Haïti 21 ans plus tôt, en 1804. Il est également lié à l’abolition générale de l’esclavage, décrétée encore bien plus tôt, en 1793, dans la alors « Partie française de Saint-Domingue » et confirmée en février 1794 par l’État français aux prises, en métropole, avec une révolution.
Pour porter la lumière sur les deux ancrages, néocolonial et esclavagiste, de la singulière indemnité exigée d’Haïti en faveur des ex-colons, il faut, en préalable, prendre la mesure des conditions de l’accession d’Haïti en 1804 au statut justement d’État souverain. Bornons-nous ici à évoquer combien en plus des destructions des infrastructures, des unités de production de denrées d’exportation ..., des victimes humaines sont à déplorer. Est-il nécessaire de rappeler qu’au cours de la décennie de conflits et de guerres à Saint-Domingue, la moitié de l’effectif des colons aurait péri (soit environ 15 000 colons2 ), le reste s’étant éparpillé de par le monde ? Est-il nécessaire de rappeler que le chiffre de plus de 100 000 morts du côté des 500 000 anciens esclaves est en général avancé3 ?
Ce cadre colonial d’ultimes violences remémoré, en quoi ladite « dette de l’indépendance » témoigne-t-elle d’un règlement de compte néocolonial et esclavagiste ? D’autant qu’il a bien fallu 97 ans pour qu’Haïti réussisse à se défaire de ce règlement, à se libérer des deux fardeaux financiers imbriqués, tous deux nés en 1825. Un siècle donc (1825-1922) pour parvenir d’une part à éteindre la « dette de l’indépendance » fixée en 1825 par le roi de France Charles X (1824-1830) et pour, d’autre part, parvenir à rembourser les deux emprunts extérieurs (celui de 1825 et celui de 1875) contractés sur le marché français pour, justement, pouvoir respectivement payer la première et les toutes dernières annuités de l’indemnité coloniale. Il faut noter par ailleurs deux données de géopolitique au seuil et au terme de ce siècle de laborieux paiements. D’abord quand l’acquittement de l’indemnité coloniale débute en 1825, l’État haïtien exerce son autorité sur toute l’île d’Haïti (et ce jusqu’en 1844). Ensuite, quand interviennent, en 1922, les derniers remboursements du second emprunt extérieur issu de cette dette coloniale, l’État haïtien est, depuis sept ans, sous la tutelle de l’occupant américain et de ses marines.
Le paiement de la dette coloniale et des deux emprunts extérieurs liés est à l’origine d’une dynamique économique majeure qui traverse et, par ses multiples effets, tant économiques que sociopolitiques, impacte lourdement le XIXe siècle haïtien. Pour contribuer ici à éclairer des grandes lignes de cette dynamique, trois questions centrales vont guider notre approche de ce jalon majeur de l’histoire nationale. Invitant à remonter le temps jusqu’à la période coloniale4 , la première interrogation porte sur la genèse du principe d’indemnisation aux anciens colons : quelles sont, côté français, les origines de la créance coloniale de 1825 ?
DE LA RÉVOLTE GÉNÉRALE DE 1791 À L’ORDONNANCE DE 1825 DE CHARLES X Après 21 années d’isolement diplomatique du jeune État caribéen et au terme de maints rapprochements et pourparlers bilatéraux, Charles X reconnait, par son ordonnance du 17 avril 1825, l’indépendance d’Haïti. Le roi y fixe des conditions qui lèsent la souveraineté nationale de la jeune république avec en particulier, l’obligation pour Haïti de payer une dette coloniale. Cette ordonnance fait allègrement fi de près d’un demi-siècle d’histoire marqué, tant en Europe qu’en Amérique, par des événements qui ébranlent les assises de l’ordre international d’alors. Il s’agit, en particulier, en 1783 de la signature du traité de Paris reconnaissant l’indépendance de la République fédérale des États-Unis, en 1789 de la promulgation en France de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, puis, en Haïti, de l’émancipation générale de la population esclavisée de Saint-Domingue débouchant sur son accession à l’indépendance. L’importance de ces événements est minorée ou effacée par la France de la Restauration5 .
De l’abolition de l’esclavage à l’indépendance nationale
L’ordonnance de Charles X suit, en effet, uniquement le principe courant, en Europe royaliste, de la légitimation du pouvoir monarchique – de droit divin. Selon ces préceptes, seul le roi en y disant concéder à Haïti l’indépendance légitimerait cette souveraineté à la face du monde. Cet acte royal veut ignorer la décisive victoire à Vertières, 22 ans plus tôt, le 18 novembre 1803, de l’armée indigène face à l’expédition militaire envoyée par Napoléon Bonaparte pour rétablir à Saint-Domingue l’esclavage ainsi que l’ordre colonial d’avant 1789. Devenue indépendantiste, cette armée de libération nationale était, en 1803, essentiellement composée d’anciens et nouveaux libres combattant pour la sauvegarde de la liberté du genre humain. En effet, ce droit avait été arraché par la masse des esclavisés, à l’été 1793, deux ans après la cérémonie du Bois Caïman (août 1791) et au moment où les armées des monarchies anglaise et espagnole, ennemies de la République française, occupaient de larges territoires de la « partie française de Saint-Domingue ». De nombreux maîtres d’esclaves, en particulier les riches colons absentéistes résidant en métropole de France, vont immédiatement, et sans relâche, solliciter le retrait de cette mesure étendue par le gouvernement français, en février 1794, à tout l’empire colonial. Dix ans plus tard, le combat victorieux en faveur de l’inaliénabilité du droit naturel à la liberté était ainsi porté par l’armée révolutionnaire6 des pères fondateurs et mères fondatrices de la future nation haïtienne tandis que la marine anglaise, à nouveau en guerre avec la France assurait le blocus des ports de la colonie7 .
Haïti a surgi ainsi au forceps, en 1804, sur une scène internationale fort mouvementée et, depuis, sa souveraineté constituait un défi à l’ordre colonialiste et esclavagiste qui régit alors l’Amérique comme d’autres contrées du monde. D’autant que les deux principes de droit énoncés, sous Jean-Jacques Dessalines (1804-1806), dans la Constitution impériale de 1805, sont toujours valables dans la république dirigée par Alexandre Pétion (1807-1818) puis par Jean-Pierre Boyer (1818-1843). D’abord « toute propriété qui aura ci-devant appartenu à un blanc français est incontestablement et de droit confisquée au profit de l’État »8 . Ensuite « Aucun Blanc, quelle que soit sa nation, ne mettra le pied sur ce territoire, à titre de maître ou de propriétaire ; et ne pourra, à l’avenir, y acquérir aucune propriété ». Double affront à relever par la France napoléonienne, mais pas seulement.
Assurément, au milieu des années 1810 et encore au début des années 1820, la dynastie des Bourbons à nouveau sur le trône en France9 et nombre d’anciens colons refusent également le fait accompli. Ils considèrent que la colonie française de Saint-Domingue est une province éloignée entrée en rébellion de longue durée. Il faut selon eux, par une guerre de reconquête si nécessaire, organiser leur retour sur leurs propriétés saint-dominguoises et y faire réappliquer le « Code Noir10 » comme c’est déjà le cas, depuis 1802, dans la possession française voisine, la Guadeloupe11 . Pour les autorités françaises, Haïti en tant qu’État n’existe donc toujours pas. D’ailleurs si le général Rochambeau avait signé, le 19 novembre 1803, l’acte d’évacuation du Cap Français/Haïtien, son acte de capitulation avait été signé auprès du seul ennemi anglais dont des navires de guerre stationnaient au large de la rade du Cap12 .
Après avoir vainement tenté d’obtenir, en 1814, le rétablissement de l’ordre colonial esclavagiste et l’entière restitution de leurs biens immobiliers aux ex-colons expropriés, la monarchie des Bourbons a écarté les projets de reconquête. Elle vise désormais des objectifs économiques concrets. En contrepartie de la reconnaissance de l’indépendance d’Haïti – autorisant de fait sa reconnaissance internationale13 , le roi de France Louis XVIII (1814/15-1824) va s’attacher, plus particulièrement, à lui faire dédommager les ex-colons propriétaires pour la perte de leurs richesses.
Pétion favorable à une indemnisation négociée
Face à cette perspective, le président Alexandre Pétion opte pour une ligne de conduite de compromis inspirée, en partie, de règlements internationaux territoriaux antérieurs (tel, entre autres, le cas de la Louisiane en 180314 ). Dès 1814, en effet, sous l’empire de divers facteurs, tant internes qu’externes, et au final au contraire du roi Henry Christophe (1807-1820)15 , Pétion avait admis l’éventualité d’une forme d’indemnisation au profit des anciens colons-propriétaires en contrepartie de la reconnaissance de l’indépendance. Pétion stipulait néanmoins trois garde-fous à observer par les deux parties : - les conditions et les modalités de cette indemnité seront à convenir d’un commun accord avec l’État français16 ; - ce dédommagement devra porter uniquement sur les biens immobiliers (terres et immeubles) dont les ex-colons avaient été dépossédés 10 ans plus tôt, en 1804. Le capital mobilier constitué de personnes réduites en esclavage par les ex-colons en est donc exclu17 . L’affranchissement général proclamé, sur place à l’été 1793, avait été confirmé par décision de l’État français lui-même, en février 1794, et ce, sans, aucune indemnisation au propriétaire que celui- ci soit colon ou personne de couleur libre (noire ou mulâtre) ; - un commerce bilatéral profitable aux deux parties sera institué18 .
La marche à suivre est clairement indiquée par Pétion. Son successeur, le président Boyer, maintient cette ligne de conduite de son accession au pouvoir en 1818 jusqu’en 1823. La réorientation peu assurée de la stratégie de Boyer à l’égard de la France est en partie liée à la nouvelle conjoncture nationale (l’île d’Haïti est dirigée par Boyer depuis 1822) mais l’implacable répression qui s’est abattue en novembre 1822 sur les esclaves révoltés du Carbet en Martinique19 peut y avoir aussi influé. Deux inflexions, d’ailleurs opposées, de la stratégie de Boyer vont ainsi se tenir en 1823 puis en 182420 . La seconde et dernière inflexion fait probablement écho aussi tant à l’agressivité militaire en 1823 du dernier bastion encore espagnol21 à l’égard du Mexique déclaré indépendant en 1821, qu’aux modalités finalement pacifiques de la reconnaissance de la souveraineté de la monarchie du Brésil – indépendant en 1823 – par la couronne du Portugal22. Les pourparlers d’Haïti avec la France n’aboutissent pourtant pas en dépit de l’adhésion de Boyer en 1824, à l’image du chef d’État du Brésil – par ailleurs fils du roi du Portugal, à une reconnaissance par ordonnance de l’ancienne métropole et, en retour, à un geste financier face à ce signe de « bienveillance23». Plusieurs concessions exigées du gouvernement français restent toutefois, à l’été 1824, encore insatisfaites.
Les termes unilatéraux de l’Ordonnance
Aussi, quelques mois plus tard, le nouveau roi de France, Charles X (1824-1830), en avril 1825, écarte-t-il désormais tout semblant de négociations avec la jeune république. Les conditions de la reconnaissance de l’indépendance de celle-ci sont sévères. Elles sont même encore plus lourdes que celles qui avaient été refusées, un an auparavant, en juillet 1824, en France, par les commissaires haïtiens chargés de négocier avec le gouvernement de Louis XVIII (mort en août 1824). Les exigences, consignées dans l’ordonnance de 1825 de Charles X, sont de trois ordres24 : - d’abord, une condition d’ordre territorial : seul le territoire de l’ancienne « Partie française de Saint- Domingue » est concerné par la reconnaissance25 . Le terme « Haïti » ne figure d’ailleurs pas dans l’ordonnance ; - ensuite, une obligation d’ordre commercial et fiscal : l’ancienne colonie est sommée d’accorder au commerce français une réduction de 50% des droits de douane tant à l’importation qu’à l’exportation ; - et enfin, une exigence d’ordre financier : l’ancienne colonie doit dédommager les anciens colons- propriétaires, à hauteur de 10% de la valeur que leurs biens immobiliers avaient en 1789. Le montant total du dédommagement, et à la seule charge d’Haïti, est fixé unilatéralement à 150 millions de francs-or, soit 30 millions de dollars ; il est à payer en seulement cinq années.
L’ensemble de ces sommations constitue bien un règlement de compte mettant unilatéralement un terme singulier à la politique française de mise en quarantaine exercée par la France depuis 1804 à l’égard d’Haïti. Par le biais de cette reconnaissance diplomatique conditionnelle, Charles X impose à Boyer une orientation de politique fiscale et d’emploi des recettes de l’État haïtien au bénéfice unique de l’ancienne métropole et de couches sociales françaises spécifiques. Vient alors notre deuxième interrogation portant, elle, sur la mise en œuvre du principe de dédommagement aux ex-colons propriétaires : quels sont les principaux intérêts influant le choix français de faire payer l’indemnité par l’ex-colonie et les impacts majeurs de celle-ci sur Haïti ?
UN RÈGLEMENT DE COMPTE NÉOCOLONIAL
La détermination de la France à instituer, par l’ordonnance d’avril 1825, une ingérence sur la souveraineté économique d’Haïti a assurément plusieurs ancrages. Cette détermination s’inscrit d’abord dans l’orientation, en cette décennie 1820, de la politique intérieure de la royauté française ainsi que dans l’ordre international esclavagiste et capitaliste alors en vigueur. Ensuite et simultanément, cette volonté d’ingérence fait écho au Pacte de l’exclusif qui, jadis, liait la colonie à esclaves de Saint-Domingue à sa métropole. Est-il nécessaire de rappeler que forte d’une main-d’œuvre de près de 500 000 personnes mises en esclavage, soit plus de quinze fois l’effectif des colons, à la fin des années 1780, Saint-Domingue fournissait l’essentiel de la production mondiale de sucre ? Faut-il encore rappeler que, grâce aux conditions de travail, inhumaines et carcérales, imposées à la population esclavisée, la production de denrées d’exportation des plantations, en particulier celles de canne à sucre et de café, avait permis au commerce extérieur de la France d’avoir une balance commerciale excédentaire ? La logique de prédation coloniale à l’avantage de bénéficiaires directs perdure et gouverne l’orientation de l’ordonnance de 1825 ainsi que la vision de la souveraineté d’Haïti26 .
La canonnière pour diplomatie
Avec en mémoire l’apport de Saint-Domingue à l’économie française, revenons à la deuxième semaine de juillet 1825. Sous l’empire de diverses raisons tant internes qu’externes, le président Boyer, représentant des intérêts de la minorité dominante du pays (au-delà des clivages coloristes) mais au nom d’environ 600 000 Haïtiens et Haïtiennes27 , se soumet finalement à l’ordonnance-ultimatum transmise par le militaire français le baron René Armand Ange de Mackau28 lors de son séjour à Port-au-Prince (3-20 juillet 1825). Des bateaux de guerre français portant plus de 500 canons stationnent, en effet, dans les eaux territoriales haïtiennes29 . En cas de refus de Boyer, Mackau avait pour ordre de mettre en place un rigoureux blocus des ports haïtiens, autrement dit de mettre en œuvre une asphyxie économique de la jeune république jusqu’à ce que celle-ci se plie aux réclamations françaises30 . La tactique de menace de la canonnière, aux puissants relents colonialistes, a été efficace et le gouvernement Boyer est sommé d’observer immédiatement le volet financier de l’ultimatum. Haïti doit payer dans 5 mois, dès décembre 1825, la première annuité de l’indemnité destinée aux anciens colons- propriétaires !
Pour s’en acquitter, il faut donc qu’Haïti souscrive au plus vite un emprunt extérieur et, compte tenu des rivalités entre les places financières de Paris et de Londres, Mackau l’a fait comprendre, l’emprunt en question doit être placé sur le marché financier français. En plus des intérêts à Saint-Domingue des ex-colons-propriétaires et d’entreprises commerciales françaises, les intérêts de la finance française sont pris en compte par l’État français. Le gouvernement haïtien confirme formellement son acceptation du principe du prêt, le 16 juillet 182531 , peu avant que le navire militaire de Mackau, qui a réussi sa mission, n’appareille vers la France.
Constituée de la dette coloniale et de cet emprunt externe de 1825, la « double dette32» d’Haïti est ainsi contractée par Boyer, certes sous la contrainte. Cependant et au-delà de son objectif de conserver le pouvoir politique et de sécuriser les titres de propriété de l’oligarchie foncière – toutes composantes confondues, Boyer est aussi convaincu que, comme suggéré par Mackau, une révision des termes de l’ordonnance, en particulier un abaissement du montant de l’indemnité aux ex-colons propriétaires, sera accordée par le roi Charles X. Indépendamment de la longue attente d’un tel geste, un étau financier néocolonial sur les revenus du jeune État essentiellement produits par la petite paysannerie haïtienne, pilier de la production de café, est désormais efficacement positionné. Trois ordres de grandeur en témoignent. En effet, le montant total de l’indemnité coloniale de 30 millions de dollars correspond à au moins 10 fois le budget annuel d’Haïti à l’époque mais à seulement 15% des revenus annuels de l’État français. Enfin d’après divers calculs récents d’économistes33 , calculs d’après nous à affiner34 : le montant de l’indemnité correspondrait en effet à près de 3 fois le PIB d’Haïti en 1825.
Le montant de la dette coloniale due par Haïti est donc colossal. Il l’est d’autant plus au regard des capacités de production d’Haïti dont une grande partie des sols avait été déjà fragilisée et épuisée par l’abattage des arbres et par les plantations coloniales, en particulier de sucre et de café. Mackau prévoyait un bénéfice optimal des potentielles retombées à terme de l’ordonnance du 17 avril pour la France. Mackau définissait avec ses mots ce que l’historien Benoit Joachim qualifie de « néo-colonialisme à l’essai35 » : « Sous un tel régime, Haïti deviendrait indubitablement une province de la France rapportant beaucoup et ne coûtant rien36». Ce pronostic de l’émissaire français se tient au moment où débute la chute persistante des cours internationaux du café qui réduira les rentrées fiscales nationales (dépendantes du commerce extérieur) et donc la capacité d’Haïti à honorer les échéances de la dette imposée. De toute façon, une opposition multiforme à l’acceptation de l’indemnité coloniale se manifeste immédiatement dans le pays.
La spirale asphyxiante de l’endettement
Dans ce contexte, dès 1826 et malgré l’application du coercitif Code rural37 à l’encontre de la petite paysannerie, Haïti entre en défaut de paiement38 . Le président Boyer sera rapidement conduit, à tenir compte de l’opinion nationale en cessant d’appliquer la clause fiscale de l’ordonnance puis, avec l’accession au pouvoir en France du roi Louis-Philippe (1830-1848), en exigeant une réduction de moitié du montant de l’indemnité coloniale. Finalement, une douzaine d’années après l’ultimatum de Charles X, en 1838, il y aura, à l’issue de négociations haïtiano-françaises39, deux traités bilatéraux à être signés. Le premier reconnaitra l’indépendance de l’île entière d’Haïti et, au contraire de l’ordonnance de 1825, sans stipulation de conditions préalables. Le second traité instituera la réduction de 40% du montant de l’indemnité coloniale (désormais de 18 millions de dollars ou 90 millions de francs) ainsi qu’un allongement de l’échéancier de paiement. Peu après, des aménagements de paiement se tiendront aussi pour l’emprunt 1825 mais sans toucher au capital.
Malgré ces accommodements et toujours au détriment de la plupart des autres postes budgétaires40 , le service de la « double dette » ponctionnera lourdement le budget annuel haïtien, souvent de plus de 40%, pour peu à peu décroitre et finalement41 , en 1870, en prélever environ 15%. Pour assurer les autres dépenses publiques, dont le paiement des fonctionnaires, l’État haïtien sera donc de plus en plus contraint à recourir aux emprunts internes.
Au final et grâce en partie à l’emprunt extérieur de 1875 dit « emprunt Domingue », la « dette de l’indépendance » sera soldée en 1878 sous la présidence de Boisrond Canal (1876-1879) et l’emprunt extérieur de 1825 le sera, pour sa part, à la fin des années 1880 sous la présidence de Lysius Salomon (1879-1888)42 . L’emprunt extérieur de 1875 sera, lui, on l’a évoqué, remboursé vingt ans plus tard, en 1922, durant l’occupation américaine43 . En cette année 1922, la « double dette » de l’indépendance aura donc été acquittée par plus de deux générations d’Haïtiennes et d’Haïtiens qui, pour l’essentiel, sont les descendants des « nouveaux libres » de 1793 qui avaient lutté pour une rupture totale avec l’ordre colonial érigé sur le commerce transatlantique d’êtres humains44 . Il est donc temps de poser ici notre troisième et dernière interrogation : le capital constitué par ces personnes, démunies de leurs droits imprescriptibles et réduites en esclavage, aurait-il été dès l’origine, pour le gouvernement de Charles X, un objet potentiel de dédommagement45 ?
UN RÈGLEMENT DE COMPTE ESCLAVAGISTE Le montant de l’indemnité coloniale payé par Haïti visait, en effet, à indemniser les anciens colons de la perte des propriétés immobilières dont ils ont été expropriés en 1804. Le dédommagement correspondra au 1/10e de la valeur du dit bien en 1789, avant donc l’éclatement de la décennie de tourmentes sociales et politiques à Saint-Domingue. Soit ! Mais compte tenu du montant élevé du dédommagement (30 millions de dollars) et au contraire de la revendication du président Pétion, les esclaves, dits biens « meubles », n’auraient-ils pas été intégrés dans l’estimation du corps des richesses perdues par les ex-colons46 ? Certes et c’est à souligner, les possesseurs d’esclaves non propriétaires de biens immobiliers ne sont pas admis à former une demande d’indemnisation47 . Néanmoins, en France dès 1825, la commission d’experts chargée d’établir, pour le roi Charles X, les méthodes d’évaluation des biens immobiliers en question, prend en compte le personnel esclave.
Des biens immobiliers à estimer
Plus précisément, la main-d’œuvre esclavisée figure justement dans deux des trois procédés d’évaluation des biens immobiliers que la commission royale établit48 .
La première méthode se fonde essentiellement sur des actes notariés tels les actes d’achat ou de vente de biens immobiliers indiquant la valeur du bien lors de la transaction à la fin des années 1780. L’ex-colon indemnitaire recevra un dixième de cette estimation Or dans ces documents notariés, et seulement dans le cas où il s’agissait d’une plantation – productrice de denrées coloniales, le personnel esclave y était dûment comptabilisé conformément au « Code noir49» – toujours en vigueur d’ailleurs en 1825 dans l’empire colonial français. À Saint-Domingue, avant l’abolition générale de 1793/1794, les esclaves représentaient justement 30 à 60%, voire même 70%, de la valeur d’une habitation.
Plus encore, le second procédé d’évaluation d’une plantation se base, lui, directement sur le seul nombre d’esclaves attachés à ce bien de production agricole. Pour fixer la valeur à l’unité de ces esclaves, la Commission royale a choisi de ne pas recourir au prix moyen d’un esclave, sur le marché de Saint-Domingue, en 1789-1790. Elle choisit de calculer cette valeur, et pour chaque filière de culture, à partir des chiffres de la productivité annuelle d’un esclave. L’ex-maître sera indemnisé à hauteur du dixième de la valeur – ainsi calculée – de chaque esclave jadis possédé. Un barème des tarifs de dédommagement par « tête » d’esclave est méthodiquement établi par la Commission50 . À titre d’exemple, l’ancien propriétaire d’une plantation sucrière devrait recevoir en moyenne 315 francs, soit 63 dollars, chaque « tête » d’esclave ayant été évaluée à 3150 francs ou 630 dollars51 .
Les grandes lignes de ces méthodes d’estimation des biens ignorent tant l’exclusion de toute propriété servile réclamée par Pétion que le principe singulier de paiement avancé in extremis par Boyer en 1824. Ce sont pourtant ces méthodes, avec quelques ajustements, qui vont être appliquées, dès 1826, en France, par la commission royale chargée de valider ou non les demandes d’indemnisation produites par les ex-colons et de fixer le montant à allouer à chacun des bénéficiaires52 .
Des armateurs négriers parmi les créanciers
L’exigence première du président Pétion de prohiber tout dédommagement de commerce d’êtres humains est ici largement piétinée. Or justement, les ex-colons propriétaires ne sont pas les seuls intéressés à cette indemnité coloniale, les créanciers des colons (créances internes à la colonie ou impliquant des entreprises commerciales de la métropole) le sont également et l’État français y prête une attention soutenue dès les lendemains du soulèvement général d’août 179153 . Tout comme sont intéressés les négociants négriers, de grands ports de France, qui avaient vendu à crédit des captifs d’Afrique aux colons de Saint-Domingue pour y être mis en esclavage. Avec l’imposition de l’indemnité coloniale de 1825, l’État français permet aux créanciers des ex-colons, dont les négociants armateurs négriers, marchands d’hommes et de femmes d’Afrique, d’espérer enfin pouvoir recouvrer les impayés dont le règlement est en attente depuis … plus de 30 ans, les intérêts annuels continuant par ailleurs à courir.
Pourtant, ici, sur la rive caribéenne de l’Atlantique, le prix du sang avait déjà été payé par les ancêtres. Revenons à un quart de siècle plus tôt, en septembre 1802, quatre mois après la traitre arrestation de Toussaint Louverture. L’expédition militaire de Napoléon, initialement organisée avec le soutien de plusieurs États européens, faisait face à une insurrection populaire déterminée à faire barrage au rétablissement de l’esclavage au cri de « Liberté ou la mort ». Le général Leclerc témoigne :
« […] dans cette insurrection, il y a un véritable fanatisme : ces hommes se font tuer mais ils ne veulent pas se rendre […] Les hommes meurent avec un fanatisme incroyable, ils se rient de la mort. Il en est de même des femmes »54 .
Nombre de ces combattants et combattantes sont tombés sur le champ de bataille et Haïti est née au jour de l’an de 1804. Toutefois, 21 ans plus tard l’ultimatum-ordonnance de Charles X est prononcé et il sera observé par Haïti qui paiera jusqu’au dernier centime exigé…
UNE « ODIEUSE » INDEMNITÉ
Au bénéfice de quelque 8 000 anciens colons-propriétaires55 , leurs héritiers plus ou moins nombreux et, indirectement, de leurs créanciers, l’imposition de la « dette de l’indépendance » de 1825 est donc bien un règlement de compte esclavagiste et néocolonial. Au-delà des réjouissances protocolaires accompagnant56 , le 11 juillet 1825, l’enregistrement de l’acte royal de Charles X par le sénat haïtien, la clause financière de l’ordonnance acceptée par les dirigeants haïtiens provoque aussitôt des mécontentements. Cette créance française est stigmatisée par de larges secteurs de la population57 même si Boyer se défend d’avoir jamais associé (en 1824) une reconnaissance de l’indépendance par ordonnance à un dédommagement aux anciens colons propriétaires58 . Des rébellions de militaires, l’opposition citoyenne massive à contribuer à l’impôt forcé dit « extraordinaire » dédié au paiement de la dette coloniale, des manifestations de rues à Port-au-Prince pour empêcher l’embarquement de caisses de numéraire sur des navires français, des tentatives d’assassinat de membres du gouvernement Boyer expriment, entre autres, la vive et durable hostilité de l’opinion haïtienne59 …
Faisons ici écho à quelques appréciations, publiées au cours du long XIXe siècle60 , elles permettent de mesurer la vive aversion qui traverse les diverses couches sociales.
Dès les années 1830, Balthazar Inginac, le chef de gouvernement de Boyer, indiquait en effet que la population considère que cette dette est « odieuse »61 . Au milieu des années 1840, si l’historien Thomas Madiou qualifie cette dette de « illégitime62 », le leader paysan partisan de la petite propriété, Jean-Jacques Acaau63 , la juge, quant à lui, « monstrueuse »64 . Enfin, comme des ainés de la décennie 1830 mais également de plus jeunes encore dans les années 1910, le parlementaire et économiste Edmond Paul, au milieu des années 1870, identifie cette dette coloniale à une « rançon »65 .
Cette population des Caraïbes, qui avait victorieusement défendu, au prix de son sang, l’idéal de liberté proclamé par la Déclaration française des droits de l’homme de 1789, se voyait ainsi extorquer un tribut dont le principe esclavagiste et néocolonial était dénoncé, en France même, par un courant66, certes restreint, de l’opinion publique de ce pays.
Article publié le 16 juillet 2024. Références : Gusti-Klara Gaillard.« Il y a 199 ans, la "dette de l'indépendance". Un règlement de compte néocolonial et esclavagiste (1825-1922)», Université publique des Nippes, Collection "Histoire d'Haïti". URL : https://upnip10edu.net/histoire-haiti.html
1 Dès le XIXe siècle, des Haïtiens, juristes et historiens, ont publié d’importantes études portant sur la dette coloniale d’Haïti dont l’historiographie continue jusqu’à aujourd’hui de s’enrichir. L’auteure tient à saluer ici les travaux tant d’éminents aînés du 20e siècle (Ghislain Gouraige, Benoit Joachim, Leslie Manigat…) que, en Haïti et à l’étranger, d’historiens du présent 21e siècle (Vertus Saint-Louis, François Blancpain, Jean-François Brière, Frédérique Beauvois, Jean Alix René, Watson Denis, Itazienne Eugène, Alex Dupuy, Alexia Yate…). À noter que dans plusieurs autres pays d’Amérique et depuis longtemps, à l’instar de Carlos Marichal, des chercheurs consacrent des travaux à l’endettement extérieur qui, sur le continent, a suivi les indépendances nationales.
2 À ce nombre de victimes parmi les colons, il faut ajouter l’essentiel des 50 000 militaires ayant participé à l’expédition Leclerc, tous ne détenant toutefois pas la nationalité française. Voir Benoît Joachim, « L’indemnité coloniale et la question des rapatriés », Revue Historique, 1971, 246 (2),). p. 359-376.
3 Jean Fouchard, Histoire d’Haïti(1492-1803), tome 1 [posthume], Port-au-Prince, éditions Henri Deschamps, 201, p. 467.
4 Pour une vue d’ensemble des revendications et des luttes sociopolitiques à Saint-Domingue débouchant sur le 1er janvier 1804, consulter, entre autres, les travaux essentiels de Jean Fouchard, Carolyn Fick et Vertus Saint-Louis.
5 L’expression « France de la Restauration » désigne le régime politique monarchiste qui, en France, de 1814 à 1830 va progressivement tenter de restaurer l’ordre social et politique tel qu’il existait avant l’éclatement de la révolution de 1789 et l’instauration du régime républicain. À partir de 1814 (hormis un bref intermède), la dynastie des Bourbons dirige donc à nouveau la France : les deux rois qui vont se succéder, Louis XVIII (1814/1815-1824) et Charles X (1824-1830), sont les frères du roi Louis XVI exécuté, en janvier 1793, pendant la révolution.
6 Sur les différentes phases de cette guerre (mars 1802-novembre 1803), lire la synthèse de Bernard Gainot, La révolution des esclaves. Haïti, 1763-1803, Paris, Vendémiaire, 2017, p. 208-240.
7 Le 13 mai 1803 avait en effet marqué la rupture de la paix d’Amiens (15 mars 1802) qui avait rétabli la paix en Europe et sur les mers. Dès la mi-mai 1803 la France était donc à nouveau confrontée à la guerre qui reprend également sur les mers.
8 Linstant PRADINE, Recueil général des lois et actes du gouvernement d’Haïti depuis la proclamation de son indépendance jusqu’à nos jours, tome I (1804-1808), Paris, Auguste Durand, 1851, p. 49-55. Diponible en ligne sur https://dloc.com/fr/UF00074014/00006/images 9 L’empereur Napoléon Bonaparte a dû abdiquer en 1814 face à la coalition victorieuse de monarchies européennes. La France est alors occupée par les vainqueurs à qui elle doit également payer des réparations. Le chef d’État qui succède à Napoléon (qui tentera brièvement de reprendre le pouvoir en 1815) est Louis XVIII de la dynastie des Bourbons. À sa mort, en 1824, son frère Charles X accèdera au pouvoir, il s’y maintiendra jusqu’en 1830. Durant ces deux règnes dits de la « Restauration » en France, comme en témoigne en 1825 le vote de la loi dite du « milliard des émigrés », la monarchie des Bourbons va, entre autres, s’attacher à éroder des acquis sociaux et politiques nés de la révolution française de 1789.
10 Jean-François Niort, Jérémy Richard, « L’Édit royal de mars 1685 touchant la police des îles de l’Amérique française dit “ Code Noir “ : Comparaison des éditions anciennes à partir de la version “ Guadeloupe “, Bulletin de la Société d'Histoire de la Guadeloupe, n° 156, 2010, p 73–89. Accessible sur https://www.erudit.org/fr/revues/bshg/2010-n156-bshg02573/1036845ar.pdf
11 L’État français abolira à nouveau l’esclavage en 1848 dans l’ensemble de son empire colonial, soit 46 ans après ce rétablissement de l’esclavage, en 1802. Près d’un demi-siècle de prolongation…
12 Le général Rochambeau et nombre des militaires l’accompagnant seront arrêtés par la marine anglaise. Rochambeau restera en prison en Angleterre jusqu’en mars 1811. Au sujet de l’évacuation du site du Cap par les troupes françaises, lire Thomas Madiou, Histoire d’Haïti [1803-1807], tome 3, Port-au-Prince, imprimerie Courtois, 1849, p. 95-110. Accessible en ligne sur https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k53240186/f7.item.texteImage
13 Tant que l’ancienne métropole de France ne reconnait pas la souveraineté de son ancienne colonie, aucun autre État n’établit de relations officielles avec Haïti.
15 À noter qu’Henry Christophe a d’abord été président avant de devenir roi sous le nom de Henry Ier. Au sujet de la position adoptée par le roi haïtien en 1814, lire Leslie Manigat, « La naissance d’Haïti à la vie internationale 1804-1825 », mémoire du Diplôme d’Etudes Supérieures d’Histoire [master 2 aujourd’hui], Université de Paris, 1953. Reproduit dans Leslie Manigat, Eventail d’histoire vivante d’Haïti (1789-2007), tome 4, Port-au-Prince, Média-Texte, 2008, p. p. 298-301. Accessible en ligne sur https://archive.org/details/eventaildhistoir04mani/page/206/mode/2up
16 Lettre de Pétion à l’émissaire français Jean-François Dauxion de Lavaysse, 27 novembre 1814. Citée par Linstant PRADINE, Recueil général des lois et actes du gouvernement d’Haïti depuis la proclamation de son indépendance jusqu’à nos jours, tome II (1809-1817), Paris, Donnaud, 1860, p. 293-294. Accessible en ligne sur https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k54822400/f300.item
17 Archives nationales d’Outre-Mer [France], Colonies, CC9 A 53, Saint-Domingue, Rapport de J-F. Dauxion de Lavaysse, daté du 26 mars 1815 et intitulé « Précis de ma négociation à Saint-Domingue ».
18 Leslie Manigat, « La naissance… », op.cit. À noter que le premier traité commercial franco-haïtien sera finalement signé en 1900.
19 Sur cet épisode de répression, lire Françoise Thésée, « La révolte des esclaves du Carbet à la Martinique (octobre-novembre 1822) », Outre-mers. Revue d’histoire, 1993, n° 301, p. 551 -581. Accessible en ligne sur https://www.persee.fr/ 20 Leslie Manigat, « La naissance… », op.cit.
21 Il s’agit, à l’automne 1823, du bombardement du port de Veracruz par le camp espagnol à partir de la forteresse San Juan de Ulua.
22 Consulter Mario Lavalle Argudin, La Armada en el México independiente, México, Instituto Nacional de Estudios Históricos, 1985 ; Armelle Enders, Nouvelle histoire du Brésil, Paris, Chandeigne, 2008.
24 Le texte de l’ordonnance de Charles X figure à la page 5 (dernière page) du journal officiel de la république d’Haïti. Voir Le Télégraphe, 17 juillet 1825. Accessible en ligne sur https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k580612w
25 Consulter la carte de de l’île de Saint-Domingue délimitant la « partie française » et la partie espagnole », carte figurant (vue n° 33) dans Recueil de vues des lieux principaux de la colonie françoise de Saint-Domingue, Paris, A.D.P.R., 1791. Accessible en ligne sur https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b52510633h/f33.item
26 Dans ce présent article, les intérêts du négoce français défendus par l’ordonnance du 17 avril 1825 ne sont pas abordés par l’auteure.
27 Ce nombre est une moyenne des recensements et estimations du nombre d’habitants à cette époque. Le chiffre le plus bas, et probablement le plus près de la réalité, s’élève à environ 500 000 habitants. Au sujet des différentes estimations démographiques, voir Victor Bulmer-Thomas, The Economic History of the Caribeans since the Napoleonic wars, Cambridge University Press, 2012, p. 470 et l’annexe « Table A-1. Population ».
28 Après sa mission en Haïti, le baron de Mackau poursuivra sa carrière militaire en participant entre autres à l’expédition d’Alger (1830), puis, en Amérique, en commandant la station navale des Antilles (1833-1835). Par la suite, il sera gouverneur de la Martinique (de 1835 à 1838) puis ministre de la Marine et des Colonies (de 1843 à 1847).
29 Au sujet de la mission militaire de Mackau et ses premières incidences, lire Leslie Manigat, « La naissance d’Haïti … », op.cit. ; Jean-François Brière, Haïti et la France 1804-1848. Le rêve brisé, Paris, Karthala, 2008. p. 107-201.
30 Gusti-Klara Gaillard, « La "dette de l’indépendance" d’Haïti. Canonnière et huis clos pour une rançon néocoloniale », in Marcel Dorigny et coll., Haïti-France. Les chaines de la dette. Le rapport Mackau (1825), Paris, Maisonneuve Larose- Hémisphères, 2021, p. 71-101.
31 L’attestation des pouvoirs confiés par Boyer à trois émissaires porte la date du 16 juillet 1825. Les sénateurs Rouanez et Daumec ainsi que le colonel Frémont sont, entre autres, chargés de contracter ledit emprunt à Paris où ils doivent immédiatement se rendre.
32 Cette expression est très employée, en Haïti et en France, dans les années 1870.
33 Thomas Piketty, Capital et idéologie, Paris, Seuil 2019, p. 264.
34 Les indications statistiques de l’ouvrage de V. Bulmer-Thomas y invitent. Voir Victor Bulmer-Thomas, The economic history…, op.cit.
35 Cette expression est le sous-titre de la magistrate thèse de doctorat de Benoit Joachim, « Aspects fondamentaux des relations de la France avec Haïti de 1825 à 1871. Le néo-colonialisme à l’essai », thèse de doctorat de 3e cycle, Université de Paris, 1969. Accessible en ligne sur https://dloc.com/fr/ 36 Cité par Benoit Joachim, « Aspects fondamentaux des relations … », op.cit., p. 2. Voir aussi la transcription annotée de l’intégralité du « Rapport à son Excellence le Ministre de la Marine et des Colonies, de la Mission à St. Domingue de Mr le Baron de Mackau », in Marcel Dorigny et coll., Les chaines de la dette…, op.cit., p; 160.
37 Ce code est promulgué le 6 mai 1826. Voir Jean Alix René, Haïti après l’esclavage. Formation de l’État et culture politique populaire (1804-1846), Port-au-Prince, Le Natal, 2019, p. 228-230.
38 Au sujet des paiements successifs par Haïti, de 1825 à 1888, tant de l’indemnité coloniale que de l’emprunt 1825, lire Benoit Joachim, « Aspects fondamentaux … », op.cit.
39 Ces négociations se tiennent à Port-au-Prince, en février 1838. La mission française, cette fois diplomatique et militaire, est conduite par un député, le baron Emmanuel de Las Cases, et un militaire de carrière, Charles Baudin. Au sujet de ces négociations, lire François Blancpain, Un siècle de relations financières entre Haïti et la France (1825-1922), Paris, L’Harmattan, 2001, p. 69-78.
40 À noter que les montants budgétaires alloués aux dépenses militaires et au remboursement des emprunts intérieurs restent élevés.
41 Pour le détail de ces différents ordres de grandeur, consulter, plus particulièrement, les travaux de Edmond Paul, Frédéric Marcelin (au XIXe siècle), ceux aussi de Schiller Thébaud, Benoit Joachim (au XXe siècle).
42 Frédéric Marcelin, Haiti et l’indemnité française, Paris, Kugelman, 1897, p. 66-70. Voir aussi Benoit Joachim, « La reconnaissance d’Haïti par la France (1825) : naissance d’un nouveau type de rapports internationaux », Revue d’histoire moderne et contemporaine, 1975, n°22 (3), p. 369-396. Accessible en ligne sur https://www.persee.fr/doc/rhmc_0048-8003_1975_num_22_3_2324?q=benoit%20joachim
43 Gusti-Klara Gaillard, L'expérience haïtienne de la dette extérieure ou une production caféière pillée (1875 – 1915), Port au Prince, imprimerie Henri Deschamps, 1990.
45 À la catégorie des ex-colons qui posséderaient des esclaves mais qui ne sont pas également propriétaires d’un bien immobilier, il est interdit de prétendre à une quelconque indemnisation.
46 Gusti-Klara Gaillard-Pourchet, « La "dette de l’indépendance". La liberté du genre humain monnayée (1791-1825) », », in F. Charlin et Y. Lassard (dir.), Droit et pouvoir en Haïti. De l'expérience louverturienne à l'occupation américaine, [Bayonne], Institut Francophone pour la Justice et la Démocratie, 2022, p, 339-377.
47 Cette inégalité de traitement des ex-colons par l’État français apparait également dans la procédure de demandes de secours mis en œuvre pour faire face à l’exode de colons commencé avec la tourmente de 1789-1791 à Saint-Domingue. Pour qu’un colon (bientôt ex-colon) puisse bénéficier de secours du gouvernement, il doit prouver être propriétaire de biens immobiliers à Saint-Domingue.
48 Consulter le Rapport au roi fait par la commission créée par l’ordonnance du 1er septembre 1825, Paris, Imprimerie Royale, 1826, 78 p. Accessible en ligne sur https://ufdc.ufl.edu/AA00008592/00001.
49 Voir les articles 44, 47 et 48 du « Code noir ».
50 Voir le Rapport au Roi…, op.cit., p. 47 ; Gusti-Klara Gaillard-Pourchet, « La "dette de l’indépendance". La liberté du genre humain monnayée …», op.cit.
51 À noter que, suite aux traités bilatéraux de 1838, le montant de l’indemnité global ayant été abaissé, celui des tarifs par « tête » d’esclave sera également révisé à la baisse.
52 Frédérique Beauvois, « Monnayer l’incalculable ? L’indemnité de Saint-Domingue, entre approximation et bricolage », Revue historique, 2010/3, n° 655. Accessible en ligne sur https://www.cairn.info/revue-historique-2010-3-page-609.htm 53 Jean-François Brière, Haïti et la France…, op.cit., p. 148-152.
54 Lettre du général en chef Leclerc, du 9 août 1802, au ministre français de la Marine. Reproduite dans Lettres du général Leclerc, commandant en chef de l’armée de Saint-Domingue en 1802, publiées par Paul Roussier, Paris, Société de l’histoire des colonies françaises, 1937, p. 205-206. Accessible en ligne sur https://www.persee.fr/doc/sfhom_1961-8166_1937_edc_6_1#sfhom_1961-8166_1937_edc_6_1_T1_0045_0000
55 À noter qu’un petit nombre de gens de couleur libres (d’avant 1793/1794), ayant été, d’après l’administration française, fidèles au drapeau français en 1802-1803, figure parmi les propriétaires bénéficiaires de l’indemnité coloniale. Voir la base de données du site Domingino-Verlag qui, entre autres, donne accès à une liste de colons propriétaires et une liste de colons non-propriétaires à Saint-Domingue. Accessible en ligne sur https://www.domingino.de/stdomin/index_colons_ a_z.html . Voir également Repairs, la base de données du site Esclavage & Indemnités du Ciresc/.Cnrs, qui répertorie l’ensemble des bénéficiaires de l’indemnité en indiquant le montant attribué à chacun d’eux. Accessible en ligne sur https://esclavage-indemnites.fr/public/
56 Sur le programme officiel de cette journée du 11 juillet 1825, consulter Le Télégraphe, 17 juillet 1825, op.cit.
57 Voir, entre autres, Ghislain Gouraige, L’indépendance d’Haïti devant la France, Port-au-Prince, Imprimerie de l’État, 1955, p. 283-291.
59 Jean Alix René, Haïti après l’esclavage…, op.cit., p. 220-229.
60 Ouvert en janvier 1804, le long XIXe siècle haïtien se clôture en juillet 1915, avec le débarquement des marines. Cette périodisation est, en particulier, proposée par Michel Hector et Jean Casimir, « Le long XIXe siècle haïtien », Revue de la Société haïtienne d'histoire, de géographie et de géologie, n°216, octobre 2003-mars 2004, p. 35-64.
61 Ce propos d’Inginac est rapporté par le député français, le baron de Les Cases, envoyé en mission officielle, en 1838, auprès du gouvernement haïtien, Consulter Archives du Ministère français des Affaires étrangères – La Courneuve, Correspondance politique, Haïti, tome 7, Conférences - février 1838, rapport du 17 février 1838 de Las Cases au ministre des Affaires étrangères. 62 Thomas Madiou, Histoire d’Haïti [1803-1807], tome 3, op.cit., p. 113.
63 Pour une présentation éclairante d’Acaau, lire Jean Alix René, Haïti après l’esclavage..., op. cit., p. 376-380.
64 Proclamation de Jean-Jacques Acaau, 15 avril 1844. Citée par Thomas Madiou, Histoire d'Haïti. 1843-1846, tome VIII, Port-au-Prince, Editions Henri Deschamps, 1991, p. 134.
65 Edmond Paul, De l’impôt sur le café et des lois du commerce extérieur,Kingston, M. Decordova & Co., 1876, p. 78.
66 Ce courant d’expression du début des années 1820 sera réprimé. Pour une illustration de ce courant, consulter par exemple Civique de Gastine, Lettre au Roi sur l’indépendance de la république d’Haïti et l’abolition de l’esclavage dans les colonies françaises, Paris, imprimerie Renaudière, 1821.
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